Qu'est-ce que la retraite d'un fonctionnaire territorial ?

Après la validation du Conseil constitutionnel, la loi portant réforme des retraites a été promulguée ce 10 novembre 2010. Hasard du calendrier, Bercy vient de publier un rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique. Après les débats nombreux et dynamiques sur le sujet, Localtis vous propose un retour à une activité plus calme : la lecture de ce document très instructif.

 

Comme chaque année à cette période, le ministère de l'Economie publie les "jaunes budgétaires". Ces documents, longtemps imprimés sur papier de couleur jaune, d'où leur nom, traitent de nombreux sujets. Par exemple l'impact des aides fiscales au logement, la politique de la recherche ou encore le fonctionnement des agences de l'eau. Placés en annexe du projet de loi de finances (PLF) que le gouvernement propose au Parlement, ils présentent une vision d’ensemble d'une politique publique ou mettent en valeur un aspect des finances publiques. Bref, ce sont des documents rédigés par Bercy pour permettre aux parlementaires de voter le budget de l'Etat en toute connaissance de cause. C'est dans ce cadre que vient d'être publié en annexe du PLF 2011, le "Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique". Mais pas de mauvais esprit ! Ce rapport est publié tous les ans. Rien à voir donc avec la publication au Journal officiel du 10 novembre 2010 de la loi portant réforme des retraites. Enfin rien à voir, pas complètement. Car une lecture attentive de ce jaune permet d'apprendre beaucoup de choses sur la retraite des fonctionnaires. Ce qui réforme ou pas, est toujours utile.

Tous des polypensionnés…

Le rapport s'ouvre sur un tableau dressant un panorama des régimes de retraites auxquels cotisent les différents personnels de la fonction publique suivant leur statut (p.17). Certes, la plupart des agents territoriaux savent que les titulaires cotisent à la Caisse nationale de retraite des collectivités territoriales (CNRACL) alors que les contractuels relèvent du régime général avec l'Ircantec en complémentaire (Institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l'Etat et des collectivités territoriales). Mais en détail, cela est plus compliqué : ainsi, un agent titulaire qui est sur un poste de moins de 28 heures par semaine relève du régime général, de même pour les assistantes maternelles.
Le rapport insiste ensuite sur le nombre considérable de "polypensionnés", en particulier chez les retraités qui ont travaillé dans la territoriale : les trois quarts des personnes de plus de 60 ans à qui la CNRACL verse une pension, touchent en fait de l'argent de 2, 3 ou 4 régimes différents. Le plus souvent, les retraités en question cumulent une pension de la CNRACL et une pension du régime général (70% des cas). Mais le nombre de ceux ayant travaillé dans le monde agricole n'est pas négligeable (16 % touchent une pension de la Mutualité sociale agricole). Naturellement, à l'Ircantec, les polypensionnés sont très nombreux. Il est en effet relativement rare de rester contractuel de droit public tout au long de sa carrière. Mais tout de même : 7% des personnes ayant liquidé leur retraite en 2009 à l'Ircantec avaient cotisé dans ce régime plus de 20 ans.
Contrairement à la situation des fonctionnaires d'Etat, le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers est géré par une caisse de retraite, la CNRACL. Créée en 1945, cette caisse est alimentée par les cotisation des actifs (actuellement au taux de 7.85% du traitement) et des employeurs (27.3%). Fin 2009, cette caisse comptait autour de 2.000.000 d'actifs pour près d'un million de retraités. Ce ratio de 2 actifs pour un retraité est nettement plus favorable que celui de la fonction publique d'Etat, dans laquelle il y a actuellement environ 1 actif pour un retraité. Mais ce "bon" ratio ne devrait pas durer, car le nombre de retraités de la territoriale augmente beaucoup plus vite que le nombre d'actifs.

Récompenser la fidélité…

Le jaune a ensuite le mérite de rappeler les étapes de la construction du régime de retraite des fonctionnaires. Ainsi, c'est depuis la Révolution française (loi du 22 août 1790) qu'est fixée une "condition de fidélité", la pension étant alors comprise comme un moyen de récompenser les agents restés longtemps au service de l'Etat. Cette "condition de fidélité" (ou durée minimale de service) vient d'être réduite par la loi portant réforme des retraites de 15 à 2 ans à partir du 1er janvier 2011. Ainsi, un agent pourra toucher une retraite de titulaire de la fonction publique, dès qu'il aura été titulaire pendant 2 ans. Et pour les contractuels ? Les fonctionnaires titularisés après le 1er janvier 2013 ne pourront plus faire valider leurs services auxiliaires (c'est-à-dire leurs années en tant que contractuel, voir p.45). Pour les contractuels ou les "titulaires sans droits, le rapport propose des schémas clairs pour comprendre les procédures de validation (p.45-47). Les pages 51 et suivantes expliquent aussi pédagogiquement que possible comment sont calculés les droits à pension : Quelle durée d'assurance ? Comment sont réévaluées les pensions? Qu'est-ce que le dispositif carrière longue ? Quelles décotes, quelles surcotes suivant la date de naissance de l'agent et son nombre de trimestres validés ? Qu'est-ce que le minimum garanti et dans quelles conditions est-il attribué (p. 69) ? Quelle est la procédure pour racheter des années d'études ? En résumé, tout ou presque pour comprendre les principaux mécanismes.

Age moyen de départ : 59 ans

La dernière partie du rapport rassemble les principales données statistiques sur les pensions des fonctionnaires. Pour tous les régimes, le nombre total de pensionnés est en progression. Mais avec des rythmes d'évolution très différents entre l'Etat, les militaires et les territoriaux. Paradoxalement, les départs en retraite de fonctionnaires ont été moins nombreux en 2009 que les années précédentes. Le ministère de l'Economie ne sait pas précisément expliquer les raisons de cette baisse mais évoque les effets de la réforme de 2003 (effets de la décote et de la surcote, l'allongement de la durée de cotisation…) ou de la crise économique. Ce qui est certain c'est que l'âge moyen de liquidation est en augmentation. En 2009, la radiation des cadres des fonctionnaires de l'Etat a été faite à l'âge de 59 ans, celle des territoriaux à 59 ans et 3 mois. Mais cet âge moyen masque des situations très disparates. Parmi les fonctionnaires territoriaux qui sont partis en retraite en 2009, 60% étaient en catégorie sédentaire, 6% étaient en catégorie active (pompiers, agents de salubrité, agents de police municipale), 14% étaient des mères de 3 enfants (départs anticipés), 11% sont partis pour invalidité et 7.5% sont partis dans le cadrer du dispositif carrières longues. Les spécificités du régime de la fonction publique (départ anticipé, catégories actives) font que l'âge de départ en retraite d'un fonctionnaire est en moyenne inférieur de 2 ans à celui d'un salarié du privé (p.79). Au total en 2009, 30% des personnes ayant pris leur retraite avaient 59 ans et moins, 48 % exactement 60 ans, et 22% 61 ans et plus (p.129).

Pension moyenne : 1.232 euros

Enfin, la pension moyenne versée par la CNRACL à un fonctionnaire territorial en retraite est de 1.232 euros, contre 2.006 euros à un fonctionnaire d'Etat. Cette différence très importante s'explique d'abord par la structure des emplois. Dans la territoriale, 78% des agents sont en catégorie C contre seulement 21% dans la fonction publique d'Etat en raison notamment du poids des enseignants. Cette différence s'explique également par le poids des polypensionnés dans la territoriale : la durée moyenne de service n'est que de 28 années dans la territoriale alors qu'elle est de 34 ans dans la fonction publique d'Etat. Les retraités cumulent donc généralement des pensions de plusieurs régimes. A noter enfin : environ 20% des agents territoriaux étant partis en retraite en 2009 ont bénéficié d'une surcote (en moyenne s'élevant à 96 euros par mois), contre 4% d'une décote (voir p.96).

 

Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, novembre 2010


Source : LOCALTIS
Article d'origine : cliquez ici
EN SAVOIR PLUS...
localtis.jpg











Tag(s) : #Réforme des retraites